Depuis les manifestations de juin, un slogan est repris en chœur dans les rues du Brésil : "A verdade é dura/O Globo apoiou a ditadura" ["La vérité est dure, O Globo a soutenu la dictature"]. C'est bien une vérité, et une dure vérité.
Il y a déjà des années qu'en interne le grand groupe de médias Organizações Globo reconnaît qu'avec le recul de l'histoire ce soutien fut une "erreur". Les gouvernements comme les institutions doivent répondre, d'une façon ou d'une autre, à la clameur populaire.
C'est ce que nous faisons aujourd'hui, pour réaffirmer notre attachement inconditionnel et durable aux valeurs démocratiques, en reproduisant ici le texte intégral de ce mea culpa, désormais disponible aux côtés de l'ensemble de nos archives en ligne et du projet Memoria [qui reconstitue en ligne les quatre-vingt-huit ans d'existence du quotidien].
"Dès qu'un reportage ou un éditorial leur déplaît, il n'est pas rare que les lecteurs mécontents rappellent qu'O Globo a soutenu, par sa ligne éditoriale, le coup d'Etat militaire de 1964.
Cette réalité est un fardeau pour notre journal, mais rien ne permet de la démentir. Elle fait partie de l'Histoire. A l'époque, O Globo a effectivement approuvé l'intervention des militaires, à l'instar d'autres grands quotidiens du Brésil tels O Estado de São Paulo, A Folha de São Paulo, O Jornal do Brasil et O Correio da Manhã, pour n'en citer que quelques-uns. Une frange importante de la population brésilienne l'approuvait également et de façon expresse, en participant à des manifestations et à des défilés dans les rues de Rio, de São Paulo et d'autres grandes villes.
Dans ces moments, l'on justifiait l'intervention des militaires par la crainte d'un autre coup d'Etat, mené par le président en place João Goulart [le dernier président de gauche avant l'arrivée de Lula en 2002], surnommé Jango, avec le soutien marqué des syndicats – le chef de l'Etat était soupçonné de vouloir instaurer une "république syndicale" –, mais aussi d'une partie des forces armées.
Le soir du 31 mars 1964, rappelons-le, la rédaction d'O Globo a été envahie par les fusiliers marins commandés par l'amiral Candido da Costa Aragão, issus du "dispositif militaire" de Jango, comme on disait à l'époque. Le journal n'a pas paru le lendemain 1er avril. Il est en revanche sorti le lendemain, avec l'éditorial que l'amiral avait empêché de paraître, "La décision de la patrie". Et avec un autre éditorial en une :"La démocratie renaît".
Dans ce contexte, ce coup d'Etat qualifié de "révolution", terme longtemps repris par O Globo, était vu par le journal comme la seule solution permettant au Brésil de rester une démocratie. Les militaires promettaient une intervention brève et chirurgicale. Selon la justification fournie par les forces armées pour leur intervention, une fois dissipée la menace d'un coup d'Etat de gauche, le pouvoir reviendrait aux mains des civils. Si bien que dans un premier temps, comme promis, les élections présidentielles prévues pour 1966 ont été maintenues.
La suite de la "révolution" est connue. Les élections n'ont pas eu lieu. Les militaires sont restés vingt et un ans au pouvoir, pour ne le quitter qu'en 1985, avec l'arrivée de José Sarney, vice-président du président Tancredo Neves, encore élu au suffrage indirect et décédé sans avoir été investi.